La Journée internationale des droits des femmes est l'occasion de réfléchir sur les défis et les triomphes des femmes dans divers domaines, y compris celui du bois. Cette année, j’ai (Alicia 👋) décidé de vous partager mon parcours et ma réalité en tant que femme dans l’industrie forestière qui est encore majoritairement composée d’hommes.
Avant d’entamer ma première saison, j’avais été bien avisé : «Alicia, le planting c’est pas facile pis c’est pas une job de fille». Malgré les tentatives de dissuasion, je me suis lancé. Pis après deux jours je voulais déjà abandonner. Je me revois crier en braillant à Lorenzo que : «J’RETOURNE DANS LE CHAR, J’HAIS ÇA». Somehow, le lundi suivant (et probablement par orgueil), j'avais les deux fesses dans l'autobus direction la patch poursuivant l’aventure pendant un mois jusqu'à ce que la goutte de trop fasse déborder le vase, et que je prenne la décision de partir. Comme si je n’étais pas assez certaine de détester la job, j'y suis retournée une fois de plus quelques semaines pour enfin confirmer que ce n'était pas pour moi.
Puis, la saison suivante est rapidement arrivée. Je pensais que j'en avais fini pour de bon avec le bois, mais pour une raison que j'ignore, j'ai pris le poste de «technicienne forestière»; contrôler la qualité de travail des planteurs. Après une journée, je regrettais déjà; dans quoi est-ce que je m'étais embarqué e.n.c.o.r.e.?! Je m'étais engagé pour de vrai et je n'allais certainement pas laisser tomber cette fois-ci. J’avais le syndrome de l’imposteur dans le tapis (pis la vérité c’est que même si j’ai appris à travailler sur cet aspect je l’ai encore des fois). J’avais l'impression de ne pas avoir ma place parmi tous ces hommes qui plantaient depuis déjà plusieurs saisons, l’impression d’avoir besoin de me prouver, l’impression de ne pas avoir les compétences nécessaires; j’étais qui moi pour dire aux autres comment planter alors que je n’avais moi-même pas réussi en tant que planteuse ? Je me souviens avoir fait un décompte dans mon petit calepin jaune à parcelles de combien de jours il restait avant que mon calvaire prenne fin.
La réalité c’est que… Tu travailles beau temps, mauvais temps; qu'il neige, qu'il pleuve ou ben qu'il fasse 40°C. Tu te fais dévorer par des nuages de mouches noires (ça c’est quand tu les ingères pas avant), des mouches à chevreuil affamées pis quand tu penses que c’est fini, les guêpes arrivent. T’as le corps cassé en deux à force de marcher autant chaque jour, d'enjamber les sillons et les déchets de coupe, de transporter des caissettes d’un stash à un autre. Tu te couches le soir un peu plus bronzé (ou brûlé, c’est selon) que la veille, raqué et fatigué de ta grosse journée. Le lendemain tu te réveilles avant le lever du soleil et t’es prêt à recommencer pis si t’es comme moi, tu comptes les jours avant le congé (quoique quand t'es dans le staff les jours de congés sont pratiquement inexistants). Il faut dire qu’il y a quelque chose de satisfaisant à traverser des journées de même. C’est vrai que c’est une job difficile. C’est challengeant physiquement et psychologiquement… mais ce l’est, et ce peu importe qui tu es.
Aujourd’hui, j’ai 5 saisons dans le casque et comme toutes les années, au mois de mars (et peut-être même avant), je me demande si je retourne au bois pour une saison de plus. Chaque année, je me dis : « c’était la dernière celle-là »… mais comme plusieurs autres, je me surprends à y retourner année après année et on se retrouve tous une fois de plus au shack à monsieur Léger. Le planting c’est un autre monde un peu. Un amalgame de toute sorte de monde, réuni dans le bois pour différentes raisons et convictions, mais avec un objectif en commun : mettre des arbres dans la terre. On passe quelques mois ensemble à vivre des choses incroyables, on se trouve des colocs de chambre, on passe une pile de caissettes à nos voisins de terrain en guise de banc pendant le temps d’un snack, on partage nos lunchs, nos réserves d’eau, nos outils pis même notre papier de toilette quand des badlucks surviennent, on s’entasse comme des sardines dans l’autobus ou dans les trucks (promis que ça sent pas la rose) pis on se retrouve dans le cookshack le soir autour de discussions animées. On devient comme une petite famille… et je suis heureuse de dire qu’aujourd’hui j’ai trouvé ma place dans l’équipe et je sais que je contribue positivement à celle-ci.
À la fin, y’en aura toujours un pour dire que c’est pas une job « pour les filles », qui se permet de passer des commentaires déplacés et qui ne te prend pas au sérieux. À ces gens,🖕. Non, ce n'est pas facile; mais certainement pas inaccessibles aux femmes. Au cours des dernières saisons, j'ai rencontré quelques femmes; des femmes inspirantes, fortes qui travaillent aussi bien que les hommes et qui réussissent très bien dans les différentes sphères de l’industrie forestière. Ces femmes continuent de briser les barrières, défier les stéréotypes et de trouver leur place dans un domaine encore dominé par les hommes, démontrant ainsi que la détermination et la résilience n'ont pas de genre.
Bonne Journée internationale des droits des femmes.
Alicia X